Interventions > Conférences
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Thomas Preveraud : Mathématiques et hiérarchies sociales dans l’enseignement professionnel au XIXe siècle. Le cas de la formation des carrossiers-menuisiers, Jeudi 23 mai.
Résumé : Á Paris, à partir des années 1860, les métiers de la carrosserie hippomobile - en premier lieu les menuisiers qui tracent et débitent la caisse des voitures - se dotent d’écoles professionnelles brick and mortar. Pour les élites carrossières qui soutiennent institutionnalisation de la formation (patrons, journaux professionnels et chambres syndicales), il s’agit de sortir de l’apprentissage qui est alors soumis aux feux de nombreuses critiques. Selon l’origine sociale des publics que ces écoles accueillent (fils des grandes maisons parisiennes, ouvriers, apprentis), les mathématiques théoriques intègrent leur formation d’une manière très diverse, qu’il s’agisse du format des cours dispensés, de l’organisation matérielle des espaces d’enseignement ou de la relation professeur-élèves. L’analyse de ces indicateurs produit des résultats qui brouillent quelque peu les représentations steréotypiques du rapport entre abstraction et technique, sans toutefois remettre fondamentalement en cause les structures de classes sociales.
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Renaud d’Enfert : L’enseignement des mathématiques en France aux XIXe et XXe siècles : une question de classe et de genre, Vendredi 24 mai
Résumé : Au XIXe siècle et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale au moins, l’enseignement en France est organisé en filières nettement séparées, en fonction de la classe sociale et du sexe des élèves. Non seulement les enfants des classes populaires ne fréquentent pas la même école que ceux des milieux aisés, mais les filles et les garçons ne s’assoient pas non plus sur les mêmes bancs. Cette segmentation du système scolaire, qui se structure progressivement au cours du XIXe siècle et de façon décalée pour l’enseignement féminin, n’est pas seulement de nature organisationnelle. Elle trouve également sa traduction dans les finalités et les contenus des enseignements dispensés. On montrera ainsi dans quelle mesure les mathématiques jouent un rôle majeur de différenciation entre enseignement primaire (l’école du peuple) et enseignement secondaire (l’école des élites) ainsi qu’entre enseignement masculin et enseignement féminin.
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Katalin Gosztonyi : Démocratisation de l’enseignement des mathématiques en Hongrie au 20e siècle, Vendredi 24 mai
Résumé : Dans le cadre de cette conférence, je vais présenter deux périodes marquantes de l’histoire de l’enseignement des mathématiques en Hongrie durant lesquelles des efforts importants de démocratisation ont eu lieu, apportant des succès partiels mais aussi des effets controversés. La première période (tournant du 19e et du 20e siècle) suit l’introduction de l’école élémentaire obligatoire, et est intrinsèquement liée à l’urbanisation et l’industrialisation du pays ainsi qu’à un rapide développement scientifique et culturel, en lien avec l’émergence de la bourgeoisie. La deuxième période (années 1960 - 1970 avec la réforme dirigée par Tamás Varga) suit l’extension de l’école obligatoire au niveau collège à partir de 1946, et émerge dans un contexte de libéralisation relative, en comparaison avec le système très centralisée et guidée par l’idéologie dans les années 1950. Dans ces deux périodes, l’enseignement des mathématiques obtient une attention particulière, et l’épistémologie mathématique qui imprègne les réformes d’enseignement s’articule avec des préoccupations pédagogiques.
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Philippe Dutarte : Le projet « astrolabe » : de l’intérêt d’une perspective historique dans l’enseignement des mathématiques en lycée technologique, Samedi 25 mai
Résumé : Les élèves de filière technologique ont un profil particulier : origine sociale plus défavorisée, orientation parfois subie, moindre appétence pour les disciplines d’enseignement général et l’abstraction. De façon peut-être paradoxale, ils profiteront, plus que d’autres, de l’introduction d’une perspective historique dans l’enseignement des mathématiques. Nous l’illustrerons par l’exemple du « projet astrolabe » mené au lycée technologique de Créteil. L’approche historique permet une contextualisation des concepts mathématiques, les rendant plus concrets et répondant à l’intérêt des élèves pour les applications pratiques et l’apprentissage par l’expérience. L’astrolabe a été inventé pour répondre à des questions de mesure du temps et d’orientation, s’appuie sur une modélisation particulière du monde, le modèle de Ptolémée, et présente des mathématiques « en acte », projection stéréographique et trigonométrie entre autres. L’approche historique en œuvre dans le « projet astrolabe » augmente la motivation des élèves pour les mathématiques en montrant le potentiel des mathématiques dans la conception d’un objet technologique. Elle permet de comprendre pourquoi certains concepts ont été développés et favorise leur compréhension. L’approche historique invite à l’interdisciplinarité et permet notamment de tisser des liens plus étroits entre les enseignements généraux et les enseignements technologiques dans le cadre d’un projet commun. On ouvre le cadre des mathématiques et l’on comprend mieux les interactions culturelles, scientifiques et technologiques : l’astrolabe, essentiellement développé dans l’Empire musulman, répond à des besoins sociétaux, s’appuie sur les mathématiques les plus élaborées, favorisant leur développement, et sur une technologie de pointe pour l’époque. L’approche historique permet enfin une perspective interculturelle des mathématiques, particulièrement bienvenue lorsque l’on s’adresse à un public riche de sa variété de cultures. Né dans le monde grec, l’astrolabe est considérablement amélioré par les mathématiciens arabes, grâce notamment à la trigonométrie indienne, avant de connaître de derniers raffinements à la Renaissance. Chaque civilisation y a contribué et cela permet de mettre en avant des valeurs universelles.
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